Guide des vins

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Le goût, le prix et le plaisir

Quand on aime le vin, on entre dans un monde artisan, “artiste” où, comme- dans la littérature, la peinture ou la musique, se mêlent l’objectivité et la subjectivité.

Être objectif, c’est se concentrer sur la spécificité d’une bouteille, son rapport à ses origines, son terroir, les cépages appropriés, un élevage cohérent, et un prix. Être subjectif, c’est l’attrait pour l’homme (ou la femme) qui le fait, le plaisir, le partage. Et l’un ne va pas sans l’autre !

Voici ce qu’il faut retenir cette année, où nous avons particulièrement été attentifs au rapport qualité-prix-typicité. On a donc pas besoin de retenir des milliers de vignerons, la sélection du Guide est rigoureuse et fait la part belle à celles et ceux qui ont du talent.

Bordeaux

La région souffre et c’est la seule où les plus grands sont (presque) autant touchés que les plus modestes.

– Pour les premiers, de l’hypocrisie de certains classements à l’exagération des “primeurs”, durant lesquels, au cours des années, on n’a su qu’augmenter les prix même quand la qualité n’était pas au rendez-vous, les amateurs se sont vraiment lassés. Ajoutez un “lissage” des goûts où il est de plus en plus difficile de reconnaître un Pessac d’un Médoc… Tout cela à des prix inadmis- sibles : 60, 120, 200, 2.000 euros ? Pourquoi ? Qu’est-ce qui justifie pour la plupart de tels niveaux ? Prenez Pessac-Léognan : il y a des vins superbes à 25 euros face à d’autres à plus 120 euros (et beaucoup plus). Le terroir serait- il si différent ? Il vaut mieux en sourire quand on connaît un peu le vigno- ble.

Idem en Médoc, on a un beau Haut-Médoc à 15 euros, un Margaux à 25, un Saint-Estèphe à 45… face à des vins classés en… 1855 (excusez de la référence, le Classement de l’époque n’étant qu’un classement de négoce, c’est- à-dire de marchands, et non de sols) pour lequel il serait demandé de payer 3 ou 6 fois plus… Bien entendu, les appellations comptent et leur implantation géologique influe sur la qualité, mais, franchement !

Quant à la région de Saint-Émilion, où le classement officiel est une belle blague, on a pas mal de vins qui ne tiennent pas la longueur (qualité-prix-typicité parlant) face aux “satellites” comme ceux de Montagne. Et on ne peut que se faire avoir tant que l’on n’a pas compris l’influence des sols et sous- sols dans cette région. Pour preuve : l’exemplaire travail de Van Leewen avec sa Carte des sols du vignoble de Saint-Emilion, 1989). Imparable pour voir les crus qui dorment sur du sable et les autres sur les plateaux.

Il y a de quoi rire, non ?

Mais quel gâchis : Parker, la mansuétude des uns et des autres, la frime, le bois à outrance, l’argent, les chais en marbre, les jalousies, l’uniformisation, la fuite à l’export, les exagérations œnologiques, cela ne pouvait donner que ce résultat. Nous avions décidé de ne plus cautionner cela.

– Concernant les vins les moins chers du bordelais, la crise est différente, bien sûr. Trop de plantations n’ont pas été le facteur le plus intelligent, trop de concurrence, un négoce peu rémunérateur parfois. Seuls ceux qui ont pris leur distribution à leur compte (ventes directes, cavistes…) s’en sortent. On est là pour les soutenir, bien sûr.

Bourgogne - Beaujolais

En blancs, c’est ici que l’on excite ses papilles avec quelques-uns des plus grands vins du monde, de Meursault à Chablis. Les rouges sont tout aussi formidables, dans une série de millésimes particulièrement savoureux (confer La Vintage Code). Comment expliquer que l’on puisse trouver autant de dif- férence entre un Chambolle-Musigny ou un Volnay, un Auxey-Duresses ou un Puligny-Montrachet, quand on sait que le cépage (Pinot noir ou Chardonnay) est unique, que l’on ne peut pas “jouer” sur les assemblages ? Ces vignerons talentueux et passionnés n’ont nul besoin de vinifications “gon- flées”. Ici, en effet, on privilégie ce qui doit l’être : le terroir et le fruit. Chaque année, quand on se promène entre les murets qui entourent les vignes des Grands Crus (ici, c’est le sol qui en décide, pas les combines humaines…), on voit qu’à quelques mètres de distance le sol ne produit pas les mêmes vins. L’altitude des vignes, à 150 ou 300 m, l’inclinaison des pentes (les meilleurs vins proviennent des mi-pentes), la richesse des sous-sols en ressources miné- rales, en sodium, en oligoéléments… Tout concourt donc ici, à faire la différence entre un bon vin et un vin sublime, et cela explique l’extrême diversité des vins bourguignons, où l’élégance prédomine toujours, et dont les prix sont relativement justifiés, à l’exception de quelques-uns, inabordables. Avec ces vignerons, talentueux et passionnés, souvent très discrets (pas besoin de chai ostentatoire…), on partage, quand on les rencontre, une convivialité rare.

Le Beaujolais peut revendiquer des sols et sous-sols conséquents et la même notion de Cru : d’ailleurs, on est en mono-cépage. On se doute qu’un Saint- Amour ne doit pas ressembler à un Morgon, et c’est très bien ainsi. Les vins qui comptent bénéficient d’une typicité réelle exacerbée par des terroirs spécifiques où l’on retrouve aussi bien des roches volcaniques que des argiles siliceux. À cela s’ajoute une complexité aromatique réelle, toujours dominée par les petits fruits rouges mûrs, qui vient s’associer en bouche à une saveur bien particulière où la finesse retrouve le charnu, la fraîcheur, le velouté, le tout donnant des vins qui en surprendraient plus d’un par leur potentiel d’évolution. Les vins blancs sont de plus en plus séducteurs, à des prix, eux aussi, très attractifs. Les hommes de la région font des vins à leur image, et le beau niveau qualitatif des meilleurs vins est incontestable, que ce soit des crus ou non.

Rhône

De formidables Châteauneuf-du-Pape, Vacqueyras, Gigondas, Cairanne… où de vrais grands vins rouges, chaleureux et typés, confirment la haute expression des terroirs sur lesquels s’épanouissent les Cinsault, Grenache et autres Mourvèdre ou Syrah. Les rouges sont colorés, puissants, de belle garde, et n’ont pas besoin d’artifices œnologiques pour être au sommet avec des prix de 20 à 50 euros (à “comparer” à des crus de Bordeaux de 50 à 100 euros…). Les blancs apportent au palais ampleur et complexité d’arômes, offrent un bouquet floral duquel s’échappent des parfums de fleur de vigne, de lis ou de narcisse. Bref, c’est un véritable vivier de vins au beau rapport qualité- prix-typicité.

Alsace

Le parcours du vignoble alsacien est un pur bonheur : des villages fleuris aux winstubs, des collines ondulées, où se dressent fièrement les vignes prêtes au combat comme des troupes de légionnaires romains à la multitude des crus, les uns plus typés que les autres. L’homme vient s’associer à un terroir hors du commun, où l’on élève des vins sans concurrence, avec cette typicité excep- tionnelle. Du plus sec au plus onctueux, les crus sont magnifiques et garants d’un réelle authenticité : Pinot Gris, Muscat, Gewurztraminer, Riesling, portés par des sols et sous-sols extraordinaires (granite à Andlau, éboulis pierreux à Steinert, arêne de granit à Frankstein, schistes de Steige à Kastelberg, marnes dolomitiques à Kirchberg, lias et dogger à Altenberg…). On ne peut pas confon- dre un vin d’Alsace avec un autre cru, tant les terroirs laissent s’exprimer par- ticulièrement, ici, le Riesling, là, le Gewurztraminer ou le Pinot gris. Quand à l’extraordinaire convivialité des hommes de la région, elle s’allie aux vrais vins typés dont les meilleurs atteignent une typicité rare et procurent la joie du vin, à des prix très sages.

Champagne

Le plaisir est total ! Terminées les cuvées avec le même goût, année après année, bienvenue aux vins-plaisir, authentiques, l’un marqué par son Meunier, un autre par la craie de son terroir, d’autres par un élevage sous bois ou en amphores, la Biodynamie, bref, un beau vin original à des prix particulièrement abordables. Ces cuvées que l’on déguste comme un grand vin, en les associant à des moments du repas, sur des plats appropriés. On a la chance d’accéder ainsi aussi bien au summum de la finesse qu’à celui de la complexité et de la vinosité. Les sols ont toute leur importance en Champagne, apportant une spécificité réelle et différente selon que l’on se trouve à Cramant ou à Épernay, à Ay ou à Bouzy, dans l’Aube ou la Marne. À cela s’ajoute la proportion de chacun des cépages champenois, l’illustre Chardonnay, évidemment, le savou- reux Pinot noir et le séduisant Meunier. L’extraordinaire maîtrise de ces vigne- rons qui signent désormais des cuvées splendides mérite un coup de chapeau.

Un grand Champagne, c’est un plaisir exceptionnel que l’on n’a jamais pu copier. Et, franchement, les prix sont particulièrement justifiés (dès 20 euros et à partir de 50 euros et plus pour la plupart des grandes cuvées, et beaucoup plus pour certaines), quand on connaît le travail et le temps nécessaire pour sortir une cuvée.

Provence

es grands vins de Bandol sont au sommet, dans les trois couleurs, et notamment en rouges, où l’on savoure quelques-uns des plus jolis vins qui soient. Il faut croire que les restanques plaisent au Mourvèdre, et que le talent des hommes se mêle à leur détermination de respecter une tradition qualitative exemplaire, à des prix très justifiés. Mais on sait que l’argent à envahi la région : milliardaires et investisseurs se ruent et rachètent à tour de bras pour profiter de la manne financière que représente la mode du rosé, et les “usines” de ce type de produit ne risquent pas d’aller dans le sens de la promotion des terroirs… Les blancs et rouges risquent d’en pâtir, qualitativement, voire de disparaître. On le vit déjà en Côtes de Provence, notamment. C’est dommage.

Loire

Cela fait du bien de sentir la puissance des terroirs. Il suffit de goûter un Sancerre Silex, un Pouilly-Fumé, un Saumur-Champigny, un Chinon ou un Bourgueil pour s’assurer de l’authenticité des vins, cela permet de renvoyer au jardin d’enfants les nouveaux vins qui poussent partout et les producteurs qui croient encore qu’il suffit de planter un cépage pour obtenir un grand vin… On le voit chaque année, lors de nos déplacements. En Anjou-Saumur, on apprécie ces crus marqués par ces sols de tuffeau ou de roche calcaire en parfaite osmose avec les cépages Cabernet franc et Chenin. En Touraine, Chinon, bien sûr, où la race rejoint une vraie typicité, puis Bourgueil et Saint-Nicolas-de-Bourgueil, où l’on se rend aussi compte de l’expression de ces terroirs de tuffeau et de graviers, et Touraine. La race du Cabernet franc s’exprime parfaitement sur ces terroirs variés d’argile ou de silex, où le tuffeau croise les Perruches ou les Aubuis. Quant au Pays Nivernais, les rois Sancerre et Pouilly-Fumé sont des vins auxquels bien peu d’autres blancs secs peuvent rivaliser, tant le terroir s’exprime au mieux ici. Le Sauvignon sait en effet se marier parfaitement avec ces sols de silex, d’argiles ou de marnes, et produit une typicité propre. Dans toute la Loire, la typicité s’associe donc à un rapport qualité-prix régulièrement remarquable. Le plaisir des arômes, le fruité des rouges, la fraîcheur des blancs secs, la suavité des moelleux… tout concourt au plaisir du vin.

Languedoc

Le noyau dur des grands vins du Languedoc, sont ceux, qui ont su vinifier et élever leurs vins, en respectant leur spécificité. N’oublions pas que, pendant longtemps, personne ne s’aventurait à promouvoir un terroir. Depuis une trentaine d’années, les hommes ont pris faits et armes pour accéder à cette notion de “terroir”, d’avoir su conserver leur spécificité qui se dévoile au travers des cépages de la région, chacun s’exprimant au mieux selon les sols d’alluvions, d’ardoise, de schiste ou de calcaire. Ces vignerons élèvent des vins racés et typés, dans l’ensemble du territoire, des Corbières à Saint-Chinian, du Pic Saint-Loup au Minervois, du Fitou aux Terrasses du Larzac ou aux Igp. Les vins rouges atteignent de très beaux niveaux, les blancs s’affirment, les rosés sont parfumés et friands… Tout serait parfait si les incendies de l’été ne venaient entacher ce tableau. Raison, en tout cas, de soutenir encore plus ces vignerons.

Sud-Ouest

La complexité des terroirs et des climats est bien réelle dans la région et prouve que l’on ne fait pas la même qualité, selon les aléas de la nature, au fin fond du Béarn, à Bergerac, à Gaillac ou dans le Lot. On va du socle calcaire du causse de Cahors aux calcaires-graveleux de Gaillac, en passant par les calcaires de Monbazillac et les sables et graviers du Périgord. C’est ce qui compte, et crée la typicité. On retrouve, alors, à la fois la puissance et la rondeur des meilleurs vins de la région. De belles dégustations avec de vrais grands vins, qui n’ont rien à envier à d’autres appellations plus réputées !